«Qu’importe si les bêtes meurent»

Face à l’inconnu

Qu’importe si les bêtes meurent de Sophie Alaoui

Abdellah vit une existence austère de berger, avec comme seuls compagnons son père, ses bêtes et sa foi. Un jour, alors qu’il est chargé par son père de s’approvisionner en ville, il trouve cette dernière désertée de tous ses habitants… Durant la nuit, de mystérieux signaux verts, vraisemblablement extraterrestres, ont effrayé les habitants d’un monde conservateur que la perspective de nouveauté a paniqué, et les ont poussé à se réfugier à la mosquée…

Cette fiction, où la dimension religieuse est omniprésente, traite de la confrontation entre un monde traditionnel, ancré dans ses conceptions dogmatiques et conservatrices, et un monde nouveau, inconnu, qui révolutionne et remet en question toutes des considérations humaines, qui met à plat toutes les connaissances que les humains tenaient comme acquises. Mais ces deux mondes sont-ils compatibles ? Vraisemblablement, non, car cette apparition rend la tradition complètement et définitivement archaïque, et donc la condamne à une mort certaine. C’est donc bel et bien une « menace » que constituent ces étranges traits de lumière, dont la nature n’est finalement jamais révélée, non directement contre les hommes, mais contre un modèle désuet qui ne peut que disparaître à l’aube de ce qui semble être une nouvelle ère pour l’humanité. Et si la plupart des individus, attachés au confort d’un monde dogmatique aux certitudes sécuritaires, n’ont comme réaction que la pathétique et vaine fuite vers la mosquée, symbole du vieux monde, certains comprennent les opportunités d’un monde nouveau qui les libèrera de l’oppression et de l’obscurantisme de la tradition, à l’image d’Itto, jeune mère dont l’enfant représente en quelque sorte l’avenir.

Cette opposition entre monde ancien et monde nouveau, on la retrouve jusque dans la mise en scène, où la lenteur d’Abdellah, se déplaçant à dos d’âne, tranche avec la rapidité d’Itto adoptant un mode de transport motorisé. Les longs plans, la caméra suivant lentement les mouvements d’Abdellah, ainsi que l’ambiance sonore caractérisée par l’économie de dialogue, la musique traditionnelle, mais aussi le bruit du vent, nous rappellent encore l’austérité d’un monde désemparé face à l’inconnu. 

Par Camille Brillant